Mais elle est aussi le lieu par excellence des incompréhensions comme de la bonne intelligence: c'est donc l'espace privilégié d'un travail en commun et entre égaux pour dénouer et enrichir une relation euro-méditerranéenne, encore marquée par beaucoup de préventions (imaginaires croisés, rôle des médias, etc.) et de dénis (de droits, de dignité, de liberté, d'égalité, etc.).
Le dialogue entre les cultures passe nécessairement par l'acceptation de l'autre. La culture est par essence domaine d'égalité entre toutes les formes qu'elle peut revêtir: elle constitue donc à la fois le fondement et le vecteur d'une relation équitable.
Pourquoi privilégier cette relation ?
Sûrement pas pour prévenir un très hypothétique choc de civilisations, mais plutôt dans la certitude que les deux moitiés de l'espace euro-méditerranéen feront dans un demi-siècle l'expérience quotidienne de leurs complémentarités majeures: il s'agit aujourd'hui de les y préparer.
Ces complémentarités se dessinent actuellement, mais risquent de ne pas aboutir au résultat voulu si aucun effort n'est fait pour les accompagner par une ambitieuse démarche de rencontre entre les peuples et les cultures.
Les pays de la Méditerranée n'appartenant pas à l'Union européenne sont exposés à de nombreuses forces qui contrarient leur vocation à former un ensemble et à faire entendre la voix de leurs peuples.
Leur proximité avec leur « voisin du Nord » - dont la puissance tient pour une large part à son unification - peut les incliner à une ouverture également féconde vers de meilleures relations, plus intenses et plus égalitaires.
Des deux côtés de la Méditerranée, la globalisation s'accompagne de mutations fondamentales.
Le rythme du déplacement généralisé des cadres et repères établis, sous l'effet du brassage des peuples et des idées - ainsi que des flux de biens et de services - fait qu'il n'est pas toujours possible de discerner ce qui est demeuré inaltéré dans les différentes « civilisations » où ces transformations se sont opérées.
Pour cela, deux conditions doivent être réunies: d'une part, chercher dans le dialogue avec l'Autre la source de nouveaux repères pour soi-même et, d'autre part, partager avec tous l'ambition de construire une « civilisation commune » par-delà la légitime diversité des cultures héritées.
Et pour atteindre les objectifs souhaitables, il faut baser sur les idées suivantes :
-La promotion de l’altérité et le respect de la diversité et la pluralité.
- Le soutien du dialogue entre toutes les composantes de la société.
- La promotion du dialogue entre les cultures, les civilisations et les religions.
- Le rapprochement et le renforcement de l’amitié entre les peuples.
- La lutte contre toutes les formes de discrimination et de ségrégation à cause de la couleur, le sexe, la religion, la langue et la race tels que l’antisémitisme et l’extrémisme religieux…
- Le respect et la promotion des libertés individuelles.
-La dénonciation des crimes, des génocides contre l’humanité tels que le Holocauste, Les génocides de Ruwanda 1994, d’Arménie, les gaz chimiques lancés par l’Espagne au Rif (Nord du Maroc) …
- La défense et la promotion des droits culturels, linguistiques, économiques, sociaux, civils et écologiques selon les accords, les conventions et les chartes internationales.
- La lutte pour l’égalité entre la femme et l’homme dans le cadre d’une société laïque, novatrice et démocratique.
- La réhabilitation de l’histoire et du patrimoine nationaux.
Le dialogue interculturel ou, mieux, le dialogue entre hommes et femmes de cultures différentes, est la voie privilégiée pour construire une culture de la paix et de la solidarité.
Le dialogue interculturel est donc profondément enraciné dans les valeurs morales et, en ce sens, il est un bien moral. Il ouvre les portes de la socialité, de la solidarité et de l’amour. Il fait éclore les potentialités de l’être humain qui, dans la confrontation avec l’autre, peut alors se développer, affirmer sa créativité et s’ouvrir sur l’universel.
Le dialogue interculturel appelle tous les hommes de bonne volonté, quelque soit leur nationalité, leur culture ou leur religion, à construire une nouvelle civilisation de paix et d’harmonie. Ce programme ambitieux se réalisera à travers l’éducation de la conscience et à travers la culture, pour s’incarner dans une société rénovée.
Si nous voulons une société saine et harmonieuse, il nous faut la construire sur les valeurs éthiques. Cette tâche se réalisera dans l’initiation non seulement à la tolérance qui est un pas positif bien qu’insuffisant, mais encore dans l’initiation au respect de l’autre et au dialogue avec celui qui est différent. Il est inutile de s’étendre sur le fait que bien des violences et des guerres naissent du choc des particularités mal intégrées. Seul le dialogue interculturel est en mesure de favoriser l’intégration des différences.
Le dialogue interculturel n’a pas seulement pour objectif de faire cesser les conflits, mais il est tendu vers la construction d’une culture qui permette à tous de vivre une vie vraiment digne de l’homme. Nous en sommes convaincus : le dialogue est le meilleur moyen d’approcher l’autre, l’étranger, de ne plus en avoir peur, de le rencontrer, de le découvrir, de l’accueillir, de l’écouter, de le comprendre avec tout ce qui fait sa spécificité, de lui témoigner notre foi tout en respectant ses convictions, de lui apporter notre message de paix et d’amour. Cette attitude requiert du courage, de la patience, de la persévérance, de la générosité. Cet accueil et ces échanges culturels ont leur source dans l’amour du prochain et, en définitive, dans notre amour pour Dieu.
Il s'agit plutôt d'associer les sociétés civiles aux solutions visant à mettre fin aux discriminations dont souffrent encore trop souvent les citoyens européens d'origine immigrée et à la situation persistante d'injustice, de violences et d'insécurité au Moyen-Orient, à mettre en oeuvre des programmes d'éducation conçus pour substituer la connaissance et la compréhension mutuelles aux perceptions négatives réciproques, etc...
Cette démarche vise aussi à créer des conditions favorables à une combinaison harmonieuse de la diversité culturelle - et notamment religieuse -, de la liberté de conscience sans restriction et dans toutes ses dimensions et de la neutralité de l'espace public.
Une fois réunies, ces conditions peuvent assurer une sécularisation ouverte, sans laquelle les préjugés racistes, en particulier antisémites et islamophobes, pourraient perdurer.
"Le dialogue entre les cultures ne peut se réaliser sans l'acceptation de l'autre, avec ses spécificités, son patrimoine, sa religion, son identité et ses différences", a affirmé M. Abbas El Jirari, conseiller de SM le Roi Mohammed VI lors de la 2-ème édition du Forum mondial sur les civilisations et la diversité culturelle.
Il faut sortir d'une approche de théorisation à celle d'application des idées véhiculées dans les rencontres tenues partout dans le monde. Cette responsabilité incombe en premier lieu aux responsables des secteurs de la culture, de l'enseignement et de la société civile.
Pour Charles Saint-Prot, directeur de l'observatoire d'études géopolitiques en France, "le dialogue doit se proposer comme but de mieux cerner les convergences, de faire ressortir clairement les valeurs partagées et les idéaux fondamentaux".
"Le temps est venu de la concertation entre les grandes religions monothéistes pour donner une consistance au dialogue des civilisations".
"Ce dialogue ne doit pas être un slogan mais prendre une forme concrète: l'action commune pour construire un monde qui retrouvera une signification spirituelle pour ne pas devenir une termitière uniformisée".
Dans une intervention intitulée "dialogue des cultures et des civilisations: et si tout commençait par notre cerveau ?", la journaliste et écrivaine française, Catherine Stoll-Simon, a souligné que le dialogue des civilisations "est incontestablement un enjeu majeur du 21-ème siècle".
Elle a précisé que des domaines d'action tels l'éducation à la citoyenneté, l'éducation multiculturelle, la révision des manuels et programmes d'échange, l'action en matière de culture, d'information et de communication sont nécessaires mais pas suffisantes.
Nous sommes tous devenus des citoyens du monde, même sans le vouloir ou malgré nous. Et c'est bien cela la chance de notre humanité, si chaque femme, chaque homme, chaque pays, chaque culture, chaque religion, chaque civilisation comprend que nous avons le même destin.
Ecrit par : Yassin ERRAHMOUNI